RG
Roberto Giacomelli
•De retour d'une soirée avec des amies, Anna Marchant tombe sur un homme en train de tuer une femme dans une ruelle. Paniquée, Anna s'enfuit, poursuivie par l'assassin, mais elle perd l'équilibre et tombe à l'eau en se frappant la tête. À son réveil après une semaine de coma, Anna ne parvient plus à reconnaître les visages des gens, même ceux de ses proches. En effet, la femme a été frappée de prosopagnosie, un trouble perceptif rare qui l'empêche de fixer en mémoire les traits du visage des autres. Pour Anna, la situation est difficile à gérer et, comme si cela ne suffisait pas, elle est maintenant la seule personne à avoir vu le visage de Jack l'Éventreur des Larmes, le terrible tueur en série qui terrorise la ville depuis plusieurs mois. Mais comment le reconnaître ? N'importe qui autour d'elle pourrait être le tueur.
Le thriller avec tueur en série est un genre désormais saturé, exploré sous tous ses aspects, proposé sous toutes ses variantes jusqu'à la nausée, surtout depuis qu'Hollywood s'en est emparé après les succès publics des années 1990 avec "Le Silence des Agneaux" et "Seven". Il n'est donc pas surprenant que ces derniers temps, nous ayons remarqué un certain relâchement de la part des productions américaines dans ce secteur, une prise de conscience qui les pousse à se tourner ailleurs. Pourtant, de temps en temps, quelqu'un tente sa chance et entre un "Identités volées", un "The Horsemen" et un "Signalement d'un crime", pour ne citer que quelques titres, quelque chose sort, le plus souvent avec des résultats médiocres. Le point faible de tant de médiocrité qui fait lentement disparaître le genre est le manque d'innovation dans les histoires, toutes caractérisées par une mécanique répétitive qui cherche à se cacher derrière l'utilisation d'étoiles un peu en déclin comme protagonistes des événements.
Le Français Julien Magnat, qui en 2002 a réalisé cette bêtise de fantaisie-pulp "Bloody Mallory", persiste dans le genre et avec "Faces in the Crowd - Fragments d'un meurtre" parvient à surmonter l'obstacle le plus insidieux, à savoir le manque d'originalité. Magnat, qui en plus de réaliser le film l'a également écrit, part d'une idée simple mais fascinante : que feriez-vous si vous étiez la seule personne capable d'arrêter un tueur en série mais que vous ne pouvez plus le reconnaître ? À cette idée typique du thriller s'ajoute la nouveauté majeure, qui réside dans le trouble perceptif dont souffre la protagoniste, la prosopagnosie, qui l'empêche de se concentrer sur les visages des gens à intervalles réguliers. Ainsi, le drame de l'assassin et sa dangerosité relative pour la protagoniste se combinent avec l'incertitude irrémédiable qui l'entoure à chaque instant, avec la conscience que cette condition ne peut être guérie. De manière très réaliste, Anna ne parvient pas à se résigner et chaque tentative de vivre avec la situation anormale est soumise aux difficultés réelles qui l'entourent.
"Faces in the Crowd" mise davantage sur les difficultés de la protagoniste causées par la prosopagnosie que sur l'intrigue du thriller, et c'est une bonne chose car cela permet de valoriser la véritable idée nouvelle qui sous-tend l'œuvre. D'ailleurs, soyons francs, l'histoire de l'assassin que la presse a baptisé Jack l'Éventreur des Larmes (puisque les larmes de l'agresseur sont toujours retrouvées sur les corps des victimes) n'est pas très intéressante et avec un peu d'attention, l'identité du tueur peut être identifiée bien avant les intentions du scénario. En revanche, "Faces in the Crowd" est conscient de ses limites et de ses points forts et s'amuse à jouer avec le spectateur avec une multitude de visages qui se succèdent continuellement sur divers personnages. C'est presque énervant mais absolument fascinant de voir l'homme d'Anna avec au moins vingt visages différents et de même ses amies, la psychologue qui la soigne et chaque personne qui l'entoure. La confusion d'Anna est transmise au spectateur, qui est immédiatement rendu partie prenante de l'histoire.
Très bonne aussi la performance des acteurs, à commencer par Milla Jovovich enfin dans un rôle qui ne soit pas celui d'une action-girl. Convainc aussi le Julian McMahon de "Nip/Tuck" et "Les Quatre Fantastiques", ici engraissé dans le rôle du détective qui suit l'affaire de Jack l'Éventreur des Larmes.
En somme, malgré quelques facilités dans la conclusion, "Faces in the Crowd" se distingue par son originalité et sa capacité à captiver, résultant en l'un des meilleurs thrillers à thème tueur en série vu ces derniers années.
