German Angst backdrop
German Angst poster

GERMAN ANGST

2015 DE HMDB
janvier 24, 2015

3 segments, 3 réalisateurs, un fil rouge : Berlin, ses habitants et leurs angoisses. Une jeune fille séquestre des hommes responsables de violences envers les femmes. Une amulette magique ayant sauvé une petite fille polonaise pendant la guerre retrouve ses pouvoirs lorsqu'un couple d'aujourd'hui est victime de néo-nazis. Un homme accepte de suivre une jeune femme dans un club privé, dont l'adhésion est définitive.

Distribution

Lola Gave, Axel Holst, Andreas Pape, Annika Strauss, Matthan Harris, Daniel Faust, Martina Schöne-Radunski, Denis Lyons, Lucia Wolf, Milton Welsh
Dramma Horror

CRITIQUES (1)

CR

Cristina Russo

Anthologie très attendue d'horreur qui marque le retour de Jorg Buttgereit derrière la caméra, accompagné d'Andress Marchall ("Tears of Kali", "Masks") et Michal Kosakowski ("Zero Killed"). "German Angst" est un film fortement ancré dans ses racines géographiques et qui cligne de l'œil à la condition socio-politique de l'ancienne Berlin mais dans une clé contemporaine. Les trois segments, bien que narrativement indépendants, sont liés par un fil conducteur : la violence, ingrédient principal et thème récurrent de l'œuvre. À ouvrir les danses c'est "Final Girl" de J. Buttgereit : une jeune fille vit dans une maison sale et délabrée avec son cochon d'Inde inséparable. Dans la chambre à coucher, le père, attaché et bâillonné, subira des tortures et des mutilations de la part de sa fille. L'épisode commence avec l'annonce à la radio d'un meurtre brutal commis par un homme contre sa femme, événement réellement arrivé à Berlin dont Buttgereit s'est inspiré. Le réalisateur allemand concentre en une dizaine de minutes toute la poésie et la grâce de la réalisation – affinée au fil du temps – qui caractérisent ses précédents travaux, mettant de côté cette atmosphère pourrie et surréaliste qui se respirait à l'époque de "Nekromantik". À l'appui de plans statiques et minutieux, accompagnés de mouvements de caméra lents, une photographie patinée et élégante : une surprise (agréable ?) pour les fans plus âgés. L'impression est que Buttgereit s'est davantage concentré sur la forme au détriment de la substance, donnant vie à ce qui semble être un exercice de style stérile et irritant, bien que visuellement attrayant et à la page. Une sorte de rape&revenge; sans âme qui laisse un goût amer dans la bouche : de Buttgereit, on s'attendait sûrement à quelque chose de plus ; apparemment, le réalisateur allemand est trop occupé à sortir des éditions sur éditions de ses films. Ensuite, "Make a Wish" de M. Kosakowski : un couple de sourds-muets polonais s'isole dans un bâtiment abandonné. Surpris par un groupe de néonazis, ils subiront une violente raclée, mais l'ancien amulette en possession de la femme pourrait les sauver. Une expérience personnelle de discrimination raciale a directement inspiré le réalisateur polonais, qui exploite l'imaginaire magique et fantastique pour mettre en scène un renversement des rôles : en sondant les territoires de la psyché humaine, Kosakowski joue sur le scénario possible qui pourrait se présenter lorsque la victime devient le bourreau et vice versa. La classique opposition entre le bien et le mal est représentée à travers une série de violences physiques, d'un impact visuel considérable, bien que le pivot de l'histoire soit de nature éthique. Une perspective qui en réalité semble peu intéressante (ainsi que le thème abusé de matrice xénophobe), et qui tombe rapidement dans la rhétorique la plus banale et ennuyeuse. Pour conclure l'œuvre, "Arlaune" de A. Marchall : un photographe renommé est quitté par sa petite amie (interprétée par l'italienne Désirée Giorgetti). En proie au désespoir et à la désolation, il décide de rencontrer une femme connue sur chat, mais il se retrouvera malgré lui à faire partie d'un club exclusif dans lequel les membres, sous les influences des racines de mandragore, vivent des expériences sexuelles intenses et monstrueuses. L'épisode n'est rien d'autre qu'une adaptation moderne du film éponyme, dont existent bien cinq versions (la première remonte à 1918). Grâce aussi au minutage, plus conséquent par rapport aux autres épisodes, l'histoire a un meilleur développement narratif qui permet de décrire efficacement les personnages, engloutis par une Berlin onirique et délirante. La recherche insistante du plaisir, comme voie de fuite d'une réalité malheureuse, prend les traits de l'obsession morbide qui se transforme en une dépendance aux traits cronenberghiens. Le choix de renoncer à la CGI se révèle judicieux, conférant au film une touche rétro qui fera certainement plaisir aux fans de la vieille école. Des couleurs chaudes et sombres amplifient l'atmosphère de cauchemar qui se respire du début à la fin et qui accompagne les protagonistes le long de leur descente dans les abîmes urbains, où le sexe, la drogue et la violence règnent en maîtres. À mon avis, le meilleur segment du lot (et non par hasard aussi le plus coûteux). "German Angst" est un film ambitieux qui fait de l'introspection son point fort, à travers la manipulation de l'"Angst" (angoisse) : la peur prend forme avec des contours et des nuances différentes, dans un contexte culturel caractérisé par la répression et la violence. Une anthologie qui mérite un coup d'œil mais qui trahit clamorablement les attentes. Critique initialement publiée sur le blog M'illumino di Horror.