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Francesco Mirabelli
•Nouvelle-Angleterre, époque coloniale : dans une vieille maison, un sorcier, après avoir caché pendant des années un horrible secret, meurt dans des circonstances mystérieuses. Années 1980, près d'Arkham : une joyeuse bande de trois étudiants de l'université Miskatonic, dans un cimetière, s'amusent à essayer de se faire peur en se racontant des épisodes glaçants, survenus dans la sinistre villa, désormais scellée depuis des siècles. Malgré les blagues, l'un d'eux, Randolph Carter, est convaincu qu'il se cache quelque chose de "innommable" dans cette ancienne demeure. Naturellement, ses compagnons ne croient pas à ces sottises, et évidemment, la meilleure preuve de virilité pour ne pas démériter face au sexe faible est de passer une nuit dans la maison abandonnée. En 1923, le maître de l'horreur H.P. Lovecraft a écrit une courte mais remarquable histoire intitulée "Unnamable" (innommable), concernant l'un de ses thèmes préférés : les anciennes villas coloniales de Providence longtemps inhabitées, avec leur architecture sévère et parfois menaçante. Malheureusement, comme tous les passionnés de l'écrivain le savent, les adaptations cinématographiques des œuvres de Lovecraft sont singulièrement rares, et il s'agit généralement de productions à petit budget. Dans ce désert de pellicule, le film de Ouellette est certainement un colosse, mais comme les rares autres films lovecraftiens, "La créature" échoue dans l'intention de recréer pleinement l'atmosphère onirique et inquiétante qui imprègne les pages des récits du "Solitaire de Providence". Malgré cela, il faut certainement signaler les qualités du film, qui réussit à fusionner deux genres apparemment éloignés comme un récit des plus gothiques, dans un style quasi "poeien" de HPL, avec l'horreur juvénile des années 1980, basée sur des couples de collégiens en chaleur, qui sont invariablement éliminés par le monstre du tour en consommant leur relation. Le film offre des moments de véritable terreur dans les apparitions soudaines de la créature, d'ailleurs au look assurément réussi, et dans les diverses tueries où le sang et les démembrements ne sont absolument pas épargnés. En effet, c'est là la plus grande divergence entre le récit et le film : alors que le premier est essentiellement une histoire onirique basée sur des souvenirs vagues de la demeure hantée par quelque chose d'inimaginable, Ouellette va bien au-delà de cela : les personnages décident d'entrer en personne, pour un pari stupide, dans la sombre demeure, recevant une preuve horrible et pourtant réelle de l'existence de l'« innommable », considérée comme un mal implacable. Comme déjà mentionné, le scénario et la réalisation du film se révèlent bien conçus et de nombreux détails démontrent une excellente connaissance de l'œuvre de l'écrivain, comme le choix du nom du protagoniste (Randolph Carter, protagoniste de nombreuses histoires de Lovecraft, ainsi que son alter ego "ironique"), ou de la déjà citée Miskatonic University et la présence du Necronomicon (aucun de ces éléments n'est présent dans la nouvelle courte mais ils sont empruntés à l'univers lovecraftien et utilisés avec sagesse), mais d'autre part, le film se révèle avoir aussi des limites, en particulier, le casting n'est pas très brillant, parmi lesquels : Charles King, Mark Stephenson et Alexandra Durrell, tous très limités dans leurs rôles stéréotypés de nerds, de collégiens hurlants. Malheureusement, de ce point de vue, "La créature" se révèle "seulement" un bon teenage horror de son époque, comme "Scuola di terrore", et bien d'autres. Il est intéressant de rappeler que "La créature" a eu une suite en 1993, toujours réalisée par Ouellette, intitulée "Unnmable 2 - La déposition de Randholph Carter" ; tirée elle aussi d'une histoire de Lovecraft de 1919, donc écrite précédemment au "L'innommable", appartenant toujours au "cycle de Randolph Carter" (à travers les portes des clés d'argent, à la recherche du mystérieux Kadath...), mais sans aucun lien avec le "Unnamable" ultérieur. En conclusion, "La créature" sera un film certainement apprécié des connaisseurs de l'œuvre de HPL, malgré son ton vaguement aventureux et désinvolte, mais certains pourraient le trouver trop simple ou prévisible, parfois déjà vu. Curiosité : dans le récit "L'innommable", l'auteur s'est inspiré d'une de ses vraies habitudes, les promenades nocturnes en compagnie d'amis dans les anciens cimetières de la Nouvelle-Angleterre.