MC
Marco Castellini
•Suspiria
Susy Benner, une jeune étudiante américaine, déménage à Fribourg (en Allemagne) pour fréquenter la plus célèbre académie de danse d’Europe. Dès qu’elle quitte l’aéroport, elle se retrouve au centre d’événements étranges et inquiétants ainsi que d’une série de meurtres brutaux qui entraînent la disparition de certains personnages de l’académie. Est-ce l’œuvre d’un tueur fou ou quelque chose qui dépasse l’imaginaire humain ? La pauvre Susy parviendra-t-elle à découvrir le secret de cette demeure maudite et à se sauver, ou sera-t-il déjà trop tard ? Helena Markos l’attend...
Avec ce film, Argento passe du thriller de "Profondo Rosso" au fantastique pur et simple. Au début du film, le spectateur croira avoir affaire au "classique" polar d’Argento, vu l’incroyable introduction mettant en scène deux femmes assassinées par un mystérieux individu dont on aperçoit seulement la main, mais les apparences sont trompeuses...
Lors de sa sortie, le film fut très apprécié à l’étranger, tandis qu’en Italie, il fut plutôt boudé et réévalué seulement par la suite.
Du point de vue de la réalisation, il n’y a rien à redire : aucune prise de vue n’est identique à une autre. Argento avait pris cela comme un défi et il l’a brillamment relevé. La photographie est époustouflante : grâce à l’utilisation du Technicolor, le "Darione" national (avec l’aide de Luciano Tovoli) parvient à nous offrir des images uniques, rendues encore plus irréelles et effrayantes par la combinaison des couleurs rouge, vert et bleu, qui évoquent l’atmosphère d’un conte noir. En effet, les contes qui ont inspiré Dario Argento et Daria Nicolodi (co-scénariste) pour ce film sont "Blanche-Neige et les sept nains", "Barbe Bleue" et "Hansel et Gretel".
Les effets spéciaux, comme il était courant à l’époque, furent conçus artisanalement et filmés en direct. Le scénario, en revanche, n’est pas excellent, mais reste fluide. Seul bémol : la fin (où manque le coup de théâtre attendu), qui laisse un goût légèrement amer. Cependant, la véritable force du film ne réside pas dans l’intrigue, mais dans l’atmosphère et la brutalité des meurtres. Toutes les morts sont de petits chefs-d’œuvre en soi, notamment le premier meurtre où deux jeunes filles sont sauvagement assassinées d’un seul coup. Selon beaucoup, cette scène est l’une des plus belles que le genre horrifique ait jamais offertes.
Que dire de la bande originale magistrale, une fois de plus signée par les Goblin : la musique composée pour ce film s’avère appropriée et plus oppressante que jamais, à tel point qu’elle peut être qualifiée de chef-d’œuvre dans le chef-d’œuvre. L’atmosphère, les couleurs vives et surréalistes sont en parfaite symbiose avec le son, qui ne fait qu’augmenter le niveau de tension tout au long du film : rares sont les moments de répit pour nos nerfs !
Dans le rôle de la protagoniste, on retrouve une Jessica Harper inspirée, qui parvient à se glisser de manière extraordinaire dans le rôle de "Blanche-Neige" dans ce conte noir. Excellentes également les performances d’Alida Valli (dans le rôle de l’enseignante) et de Joan Bennet (dans le rôle de la sous-directrice).
À l’origine, le film devait avoir pour protagonistes des enfants, mais en raison de contraintes, Argento dut renoncer à son projet et engager de jeunes femmes. Cependant, les spectateurs les plus attentifs auront remarqué que, dans l’académie, les poignées de porte sont bien plus hautes que la normale (la hauteur que rencontre un enfant de 8-9 ans devant une porte), ou que, dans certaines scènes, les étudiantes paraissent très infantiles lorsqu’elles se disputent entre elles. Tout cela sert à maintenir un certain lien avec l’idée originale d’Argento.
On ne peut que dire : Chef-d’œuvre absolu de l’horreur italienne ! Chaudement recommandé à toutes les générations passionnées par le genre, car un film comme celui-ci n’a jamais été vu et peut-être ne sera jamais revu ! "La seule chose plus terrifiante que les 12 premières minutes, ce sont les 92 dernières" (comme l’affichait une affiche de l’époque).