RG
Roberto Giacomelli
•Une jeune fille s'enfuit à travers les campagnes vénètes, errant furieusement près d'un chantier dédié à la construction d'une nouvelle autoroute. La jeune fille est poursuivie par un homme en veste et attaché-case qui a l'intention de l'agresser et de la violer. L'homme la rattrape et réussit son entreprise, mais la force de volonté de la jeune fille parvient à le submerger et l'agresseur tombe à terre assommé. Ce qui semble s'être résolu par un "règlement de comptes" est en réalité seulement le début d'un cauchemar.
Michele Pastrello est un jeune cinéaste vénète qui a déjà su démontrer son talent avec les courts-métrages "Nella mia mente" et "Nuvole", le premier vainqueur au PesarHorrorFest 2006. Mais au parcours qui comprend des thrillers psychologiques et des soap operas à saveur horrifique s'ajoute désormais un film de vengeance après viol ; aux fortes connotations politiques. Oui, parce que "32" porte le masque du film de vengeance après viol pour mettre en acte une dénonciation contre l'usurpation du paysage naturel en Vénétie (mais c'est un discours qui concerne un peu toutes les zones industrialisées).
Il était dans les intentions mêmes de l'auteur d'hommager l'horreur politique des années '70, ce cinéma brut et dérangeant qui métaphorisait la violence latente de la société postmoderne, les horreurs des guerres et le malaise de l'être humain confronté à des réductions continues et radicales des frontières assimilées par la société dont il faisait partie. Et pour cela Pastrello suit une voie difficile et inhabituelle comme celle de la réflexion sur la brutalisation de la nature, et plus spécifiquement consacre un court-métrage de 29 minutes à une autoroute qui n'existe pas encore, la soi-disant Passante di Mestre, une langue d'asphalte longue de 32 km (d'où le titre du film) qui bientôt accueillera une partie du trafic actuellement concentré sur la rocade. C'est un thème difficile à gérer, tant pour la difficile malléabilité narrative que pour le "confort" que de telles dénonciations créent inévitablement ; pourtant le réalisateur a réussi à doter son œuvre d'une spectacle adéquate et d'un engagement émotionnel, ainsi que d'une richesse et d'une profondeur de contenu.
Tout commence comme la légende de la poursuite dans la forêt de Leatherface dans "Massacre à la tronçonneuse" et se poursuit avec un viol qui rappelle de près une des scènes topiques de "La dernière maison sur la gauche", pour ensuite dévier vers des scénarios domestiques qui se teintent d'onirique en rappelant dans une scène en particulier "Terrore dallo spazio profondo". Non par hasard tous les films cités sont parmi les plus grands représentants de l'horreur politique des années '70, seulement le discours qui alors restait fortement métaphorique et allait inévitablement être contextualisé et interprété, devient dans "32" plus explicite. Le poursuivant n'est pas un géant retardé qui brandit une tronçonneuse, mais un homme en veste et cravate qui serre entre ses doigts son attaché-case, le symbole d'une entrepreneuriat qui cherche, trouve et poursuit l'innocence, la nature, et la soumet à une violence charnelle. L'innocence détruite, qui instinctivement a besoin d'une douche purificatrice, a les apparences d'une jeune fille frêle mais prête à se défendre, une des filles de Mère Terre (si ce n'est la transfiguration de Mère Terre elle-même) qui est violée pour la première et en même temps énième fois, mais qui est prête à se relever et à courir vers un horizon plein d'espoir.
"32" est momentanément l'œuvre la plus mature et la mieux réalisée d'un réalisateur qui avait néanmoins réussi à donner une magnifique preuve de son talent dans son premier film ("Nella mia mente"). Techniquement Pastrello s'est amélioré et dirige avec une grande maîtrise, montrant une excellente gestion des espaces, ouverts comme fermés. La bande sonore, soignée par le réalisateur lui-même, et la photographie de Mirco Sgarzi apportent ensuite une touche de suggestion en plus au film. Une mention particulière doit être faite à l'actrice principale Eleonora Bolla, ici à ses débuts mais déjà capable d'interpréter efficacement un rôle difficile et très physique.
La seule petite critique qui peut être adressée à ce court-métrage est la dilatation excessive dans la partie centrale, une parenthèse qui narrativement n'ajoute pas beaucoup et n'a que l'effet de ralentir le rythme du film.
À ce stade, il serait intéressant de voir Pastrello s'attaquer à un long métrage, d'autant plus qu'avec les courts-métrages il a été largement promu !