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Roberto Giacomelli
•2019. La Terre est peuplée et dominée par les vampires, qui ont pris le dessus sur l'humanité suite à un mystérieux virus ayant transformé une grande partie des êtres humains en créatures de la nuit. Les rares humains survivants sont chassés par les vampires puis enfermés dans des réserves où ils sont utilisés comme de véritables machines à fabriquer du sang pour le soutien de leur race. Mais désormais, les humains s'éteignent et avec eux le sang, donc l'hématologue Edward Dalton est à la recherche d'un substitut du sang humain qui puisse nourrir ses semblables même dans un avenir sans matière première. En même temps, Edward a arrêté de boire du sang humain, de plus en plus préoccupé par la race qui dominait la planète il y a quelques années et dont il a la nostalgie. Un jour, le destin veut qu'Edward fasse la connaissance d'Audrey, une humaine qui fait partie d'une faction de rebelles, avec laquelle il établit un partenariat pour renverser les sorts de la planète.
Il existe trois catégories principales de vampire cinématographique : le classique, le moderne et le postmoderne. Le premier, comme vous pourrez l'imaginer, est le vampire élégant, noble, de préférence d'origine littéraire, dont Dracula est le père et le plus grand représentant ; le second est le vampire laid, sale et méchant, une bête assoiffée de sang née de la contre-culture punk des années 1980 dont "The Lost Boys", "From Dusk Till Dawn", "Vampires" et "30 Days of Night" sont les représentants les plus célèbres. Puis il y a le vampire postmoderne, un vampire urbain contemporain (ou d'un futur proche) parfaitement intégré dans la société, peut-être installé aux sommets du pouvoir et souvent identifiable au sein de films qui unissent l'horreur à l'action ; nous nous souvenons des "Blade", les deux premiers "Underworld", ce pastiche pop de "Ultraviolet". Ces derniers vampires appartiennent aux années qui nous sont les plus proches, à l'époque que nous vivons, aux contaminations high-tech et à des connotations souvent dystopiques de pessimisme dickien. Ce sont ces derniers vampires qui apparaissent également dans "Daybreakers", dernier effort de la maison Lionsgate qui voit le retour des frères Spierig, déjà auteurs du cult zombie/splatter/sci-fi "Undead".
Les frères Spierig, qui en plus de réaliser sont également auteurs du script, semblent vouloir revoir sous un point de vue inédit les icônes et les genres de l'imaginaire horrifique. Si avec "Undead", en effet, ils réussissaient à éviter de tomber dans le film habituel de morts-vivants en utilisant à leur avantage les clichés et en réélaborant la matière avec des contaminations humoristiques et scientifiques, avec "Daybreakers" ils font de même avec le vampire et réussissent à rendre inventive et originale une histoire qui sur le papier était enveloppée d'une aura de déjà-vu.
Ce qui convainc dans une œuvre qui a néanmoins plusieurs atouts est justement le mélange d'éléments et la manière dont ils ont été développés, faisant en sorte qu'il y ait de la place pour le divertissement ainsi que pour le développement de thèmes intelligents. En partant de ce propos, nous nous retrouverons dans une aventure qui laisse de la place à la critique sociale en lançant des flèches vers le pouvoir des lobbies, leur spéculation sur les biens primaires et l'occultation des plus faibles de l'échelle sociale (les répugnants subsiders ainsi que les humains) qui, en odeur de révolte, deviennent les protagonistes d'exécutions publiques. En même temps, "Daybreakers" ne lésine pas sur les scènes d'action (qui sont peut-être la chose la moins intéressante et tout compte fait inutile) et les explosions de ultraviolence qui atteignent des sommets inattendus de splatter, comme dans le final réussi qui compte une scène de massacre au ralenti avec des membres humains et des organes qui voltigent en l'air.
Ce qui laisse peut-être un peu à désirer est la superficialité avec laquelle tous les personnages ont été décrits, des principaux aux secondaires. Si, malgré sa banalité, fonctionne plutôt bien le méchant financier interprété par un Sam Neill ("Jurassic Park" ; "The Dead Zone") particulièrement calé dans le rôle, les résultats sont plutôt évanescents pour l'hématologue protagoniste Ethan Hawke ("Assault on Precinct 13th" ; "Training Day") ainsi que pour son frère marine-républicain interprété par Michael Dorman ("Triangle"), tout comme l'humaine Claudia Karvan ("Long Weekend"). La figure d'Elvis, chef des révolutionnaires et premier humain guéri du vampirisme, interprétée par Willem Dafoe ("Spider-Man" ; "Antichrist"), le personnage typique au charisme assuré qui oscille ici entre quelques répliques amusantes et une caractérisation un peu incertaine dans le rôle de leader ou de soutien, laisse également perplexe.
Quelques intuitions intéressantes donnent une originalité particulière à l'œuvre et prennent forme dans l'idée de montrer une involution des vampires en abstinence de sang humain, qui se transforment en subsiders animalesques, qui ne sont rien d'autre que les représentants du prolétariat (non par hasard, les premiers à se transformer aux yeux du spectateur sont les sans-abri et le jardinier d'un complexe résidentiel), la dernière roue du chariot et les premiers à ressentir la rareté de "nourriture". La scène de la révolte de la bourgeoisie devant un kiosque de café au sang est également représentative, une image anormale supplémentaire d'un malaise général qui semble s'étendre à plusieurs niveaux sociaux.
Malgré cela, il ne manque pas quelques idées de recyclage, comme les cultures d'humains, littéralement pressés pour obtenir du sang, déjà vues dans "Blade: Trinity" et dans un certain sens dans "Matrix", et le sang synthétique qui rappelle à l'esprit le "True Blood" de la série télévisée du même nom.
Pouce en haut également pour la réalisation des frères Spierig, fraîche et dynamique sans jamais recourir à l'effet clip vidéo abusé pour les scènes les plus animées, à laquelle s'ajoute la contribution indispensable de la photographie (œuvre de Ben Nott) qui souligne avec efficacité la opposition entre la condition humaine et celle vampirique à travers l'alternance entre couleurs chaudes et froides, entre le jaune ocre et le bleu métallique.
Avec une plus grande attention portée aux personnages, nous aurions pu saluer le dernier grand film de vampires, mais "Daybreakers" est néanmoins un excellent exemple de cinéma avec des idées, bien emballé et capable d'ajouter des détails intéressants au déjà vaste mosaïque du cinéma dédié aux suceurs de sang.
Il mérite une demi-citrouille les plus.