GG
Giuliano Giacomelli
•Dawn est une douce fille en pleine phase de développement, riche en sains principes et soutien à l'école du mouvement en faveur de la chasteté prénuptiale. Comme tous ses camarades, elle est entrée dans la phase où elle commence progressivement à découvrir son corps et à ressentir les premiers changements apportés par l'âge adolescent. Un jour pourtant, après avoir conclu avec des résultats drastiques ce qui devait être sa première expérience sexuelle mais qui s'est transformée en viol, Dawn fera une terrible découverte concernant son corps : son vagin possède une volonté propre et est "muni" de dents acérées.
Acclamé et primé au Festival du Film de Sundance, "Teeth" est un film insolite de 2007 réalisé par Mitchell Lichtenstein. Il s'agit d'un film capable de jouer de manière très savante avec les genres, réussissant à fusionner dans une seule et admirable œuvre des éléments typiques du genre horreur et dramatique, sans dédaigner, au moment opportun, quelques petits clins d'œil à la comédie (plus précisément parler de black comedy).
Ce qui frappe le plus dans un film de la trempe de "Teeth" est sans aucun doute l'histoire innovante et bizarre qui sert de base au scénario, une histoire hautement exagérée qui pourrait donner lieu à des préjugés hâtifs poussant le spectateur à se faire une idée erronée du film, pensant qu'il s'agit d'un film désinvolte qui fait de l'humour démantelé et de gros calibre son pain quotidien. Faux ! Aussi absurde que cela puisse paraître, le film de Lichtenstein a une veine réalisatrice très sérieuse et n'est donc absolument pas classifiable ou réductible à l'adjectif "trash" !
L'idée de la "vagina dentata", bien qu'elle constitue l'élément innovant du film, ne peut pas être considérée comme véritablement originale puisqu'elle s'inspire de divers mythes et légendes issus du folklore de zones même éloignées les unes des autres (comme la côte nord-ouest de l'Amérique du Nord et l'Asie du Sud-Est) qui recouraient, et recourent encore aujourd'hui, à cette figure pour symboliser les multiples risques de contracter des maladies par le rapport sexuel. Mais cette locution latine, "vagina dentata" justement, trouve sa plus grande renommée dans le célèbre psychanalyste Sigmund Freud qui utilisa cette figure pour représenter de manière emblématique ce qu'est l'anxiété de la castration inhérente à l'homme.
Le film remet au goût du jour cette figure en faisant appel, pour la plupart, au paysage des productions horrifiques mettant ainsi en lumière des scènes parfois choquantes et difficiles à digérer visuellement, mais grâce à un scénario efficace, il ne semble pas être un simple film d'horreur mais il est capable d'offrir bien plus à la suite du choix appréciable d'approfondir et de donner de l'épaisseur à la frustration de la jeune protagoniste, une fille qui vient de faire partie du monde adulte et qui a envie de découvrir son corps et de satisfaire ses premières envies libidineuses. Malheureusement pour elle, mais surtout pour ses partenaires, elle ne pourra pas satisfaire ces besoins à cause d'une dangereuse anomalie de son corps qui la transforme, contre sa volonté, en une dangereuse assassine au moment où se consomme le rapport sexuel.
Outre un scénario admirable capable de susciter l'intérêt, d'approfondir les personnages et les situations sans jamais tomber dans le prévisible ou pire encore dans le banal, il faut également louer la réalisation de Mitchell Lichtenstein (plus connu comme acteur et ici pour la première fois aux prises avec un long métrage) qui se révèle sobre, efficace, peu expérimentale et plus enclin à des tons classiques mais certainement adaptée à l'esprit et à la dynamique de l'œuvre. Mais au-delà de démontrer un bon artisan, Lichtenstein, montre également être un véritable fan du genre capable d'offrir, à de nombreuses reprises, des contributions intéressantes au cinéma de science-fiction typique des années '50, ce cinéma qui se divertissait à mettre en scène des monstres géants fantaisistes, souvent résultats d'une exposition excessive aux radiations, prêts à symboliser eux aussi, dans une ère post-guerre froide, les peurs les plus pertinentes de l'homme.
Pouce en l'air aussi pour le casting, composé principalement de jeunes acteurs peu connus mais tous particulièrement convaincants et dans leur rôle ; parmi eux, une mention particulière revient à la protagoniste Jess Weixler (Prix Spécial du Jury au Festival du Film de Sundance 2007 en tant que protagoniste féminine), adaptée dans le rôle de Dawn frustrée et mélancolique et capable, outre à se déplacer avec beaucoup de désinvolture et de naturel devant la caméra, de donner une excellente épaisseur à son personnage. Dawn, en effet, dans son apparente simplicité formelle, se révèle être un personnage très profond et complexe capable de racheter la figure féminine au sein du genre horreur. Lichtenstein, à plusieurs reprises, a affirmé détester les films dans lesquels le sexe féminin s'identifie au "sexe faible" et dans lesquels les femmes, stéréotypées à l'extrême, finissent par être simplement les victimes de la situation.
Dans "Teeth", tout cela n'arrive pas et Lichtenstein, avec sa Dawn, met en scène une sorte d'"héroïne", un personnage capable de capturer de manière singulière l'empathie du spectateur et capable, malgré sa nature, de se configurer comme un modèle auquel le spectateur (principalement féminin, bien sûr) voudrait s'identifier.
Comme mentionné précédemment, bien que le film tente de mélanger plusieurs genres, celui qui semble attirer le plus l'attention est le genre horreur et ainsi, le réalisateur, pour donner plus de "vivacité" à la scène, ne nous épargne pas une poignée de scènes brutales, sanglantes et au limite du supportable et entre éviscérations, mutilations et membres humains donnés en pâture aux chiens, le film apparaîtra comme un plat succulent même pour le plus sadique des fans d'horreur.
En somme, "Teeth" n'est pas seulement un film à surveiller mais un film capable de frôler la perfection : effroyable, cruel, excessif mais en même temps triste et réfléchissant. On ne voit pas souvent des films aussi courageux et désinvoltes dans le traitement de certains thèmes délicats comme celui-ci ; il n'est pas exclu que, avec le temps, grâce à un bon et mérité bouche-à-oreille, "Teeth" puisse devenir un véritable culte du genre.
Film de rare beauté. Imperdable.