MP
Marco Pitzalis
•Le malheureux Ryu décide d'enlever une petite fille, mais celle-ci meurt accidentellement. Le père, qui après la mort de sa fille reste complètement seul (sa femme l'avait quitté quand les affaires allaient mal), en proie à la rage et au désespoir, médite vengeance. C'est la seule chose qui puisse le "satisfaire". Mais aura-t-il la paix après l'avoir obtenue ? "M. Vengeance" est le premier épisode de la Trilogie de la Vengeance du réalisateur coréen Park Chan-wook. Le spectateur est déconcerté et ne sait pour qui prendre parti. Tous ont raison... et tous ont tort. Une chose est certaine : leurs actions, justes ou mauvaises qu'elles soient (cela dépend de notre point de vue, de notre conscience) se paient en sang. Ce film est lent, mais cela ne constitue pas essentiellement un défaut. C'est un film tout autre que frénétique, comme pourrait l'être "Old Boy", deuxième chapitre de la trilogie ; il s'agit plutôt d'un film réfléchi, plus contemplatif et plus délicat, il s'attarde beaucoup sur la beauté des images (Park Chan-wook sait y faire : dans ses études de jeunesse, il peut se targuer de cours d'esthétique, et en regardant ce film vous comprendrez comment le réalisateur sait manier avec soin la caméra en montrant au spectateur des images merveilleuses, un plaisir pour les yeux, une pure poésie). La violence ? Je ne me sens pas de dire que ce soit un film violent. Après des dizaines et des dizaines de films d'horreur, quelques entailles avec un couteau, des coups de matraque sur la tête, du sang qui gicle à des mètres d'une jugulaire perforée et une torture par électrochoc, sûrement n'impressionneront plus autant le spectateur. Ce qui pourrait paraître plus dérangeant que la torture est la violence psychologique, celle-ci, l'exposition des sentiments de rage, de douleur, de souffrance, de désespoir, d'impuissance face à la malchance d'une condition économique tout autre qu'aisée. Probablement est-il plus déchirant d'observer le visage du père qui voit le cadavre de sa propre fille, sa seule raison de vivre... ou le frère qui voit sa sœur souffrir atrocement et ne sait comment l'aider... plutôt que la violence explicite. En ce sens, "M. Vengeance" est un film qui frappe le spectateur plus souvent dans l'estomac, sans montrer trop de sang, et l'exposition de ces sentiments rapproche affectivement le spectateur des protagonistes désespérés. Il s'agit d'un film complexe autant que "Old Boy" : si ce dernier, à mon avis, est un puzzle, avec des pièces qui se réunissent peu à peu, ce "M. Vengeance" peut être considéré comme un domino, avec des actions liées l'une à l'autre, avec la vengeance comme seul fil conducteur, la violence qui cause une autre violence, la mort qui sème la mort, et ainsi de suite : tous sont emportés par cette furie aveugle et destructrice, la vengeance n'est probablement pas le meilleur remède, nous avons envie de penser. Mais peut-être est-ce un "droit" face à tant de souffrance. Un sentiment qui fascine. Le charme pervers qui enveloppe ce sentiment sombre captive et implique. Certains points restent obscurs pour le spectateur. Ce ne sont pas des points saillants, pour être charitable, mais quelques interrogations restent en suspens. Comment Ryu a-t-il réussi à enlever la petite fille ? Comment la police a-t-elle compris que Ryu était le coupable ? Comment le père de la petite fille a-t-il réussi à trouver la cachette de Ryu ? Ce sont des questions qui ne trouvent pas de réponse, peut-être est-ce un film à voir plusieurs fois, mais ce ne sont pas des questions fondamentales pour comprendre le sens du travail de Sa Majesté Park Chan-wook. Dernier avertissement : je répète pour la énième fois que le réalisateur sacrifie l'action à la psychologie des personnages et à la dramaticité de l'histoire ; oubliez donc l'adrénaline de "Old Boy" !