RG
Roberto Giacomelli
•John et Kate Coleman, un an après la mort de leur future troisième fille, décident d'adopter une enfant et choisissent Esther. La nouvelle venue dans la famille Coleman se montre immédiatement gentille et polie, en plus d'être particulièrement douée pour l'art. Cependant, sa façon étrange de s'habiller et sa timidité en font rapidement la cible de moqueries de la part de ses pairs, ainsi que quelqu'un d'antipathique aux yeux du frère Daniel. Mais avec le temps, Esther se révèle de plus en plus étrange et ses comportements ambigus, surtout la mère Kate qui, malgré le désaccord de son mari, commence à enquêter sur le passé de l'enfant.
Accompagné d'une vive polémique de la part des associations pro-adoption, qui se plaignaient du fait que le film pourrait inspirer des craintes concernant l'adoption d'enfants, "Orphan" est le nouveau film d'horreur produit par Dark Castle, qui se confirme comme l'une des réalités les plus intéressantes du paysage horrifique contemporain.
"Orphan" a un mérite non négligeable : il a pris du matériel usé et recyclé comme l'allégorie de l'enfance déviante dans la famille moderne dysfonctionnelle et l'a retravaillé en introduisant des variantes d'une originalité considérable. Le résultat est un hybride fascinant entre l'horreur-drame sur l'enfance turbulente, qui puise sans doute dans "L'Innocence du diable", "Mickey" et le plus récent "Joshua", et le thriller psychologique qui chevauche le Polanski de l'année et le slasher des années 80. Un étrange mélange dont il est difficile de se rendre compte sans avoir visionné l'œuvre mais qui, je vous l'assure, est tout à fait réussi et fonctionnel.
L'Espagnol Jaume Collet-Serra, pour sa deuxième collaboration avec Dark Castle après l'excellent "La Masque de Cire", réussit à gérer avec grande maestria un film qui, entre les mains d'autres, aurait pu sembler trop long (il tourne autour de 2 heures), mais qui apparaît tendu et captivant grâce à l'excellent dosage de scènes introspectives, explicatives et d'une grande suspense. Si c'est vrai que parfois on joue avec le recours à la peur facile donnée par des apparitions soudaines et l'alternance de plans sonores (il y a aussi le fameux "jeu" avec le miroir de la salle de bain !), dans "Orphan" il y a quand même une savante construction de la tension narrative qui se développe à partir d'un crescendo d'événements qui semblent conduire vers une certaine conclusion qui se révèle en réalité originale et inattendue. Le même long climax final est construit avec une concession efficace au climat tensif classique, de ceux que l'on vit d'une seule traite et qui ne manquent pas de tenir continuellement le spectateur en haleine.
"Orphan" bénéficie d'un beau scénario de l'esordiente David Johnson, un script ordonné dans lequel chaque élément/événement est cadencé avec les bonnes temporisations et les personnages sont enfin traités avec respect et approfondissement. Nous aurons donc l'attention entière catalysée sur les membres de la famille Coleman, le foyer domestique classique de la classe moyenne/supérieure américaine qui, derrière un voile de normalité, cache les squelettes dans le placard qui, cette fois, ne surgissent pas comme un coup de théâtre, mais sont introduits avec naturel quand c'est vraiment nécessaire pour accompagner le lent effondrement du bonheur initial. Pour incarner les protagonistes, il n'y a aucune superstar d'Hollywood, mais des acteurs "mineurs" qui ont les visages parfaits pour les personnages qu'ils interprètent. Vera Farmiga ("The Departed" ; "Joshua") et Peter Sarsgaad ("The Skelton Key" ; "Fightplan – Mystère en vol") interprètent les époux Coleman, Jimmy Bennett ("Hostage" ; "Amityville Horror") et l'esordiente Aryana Engineer sont les deux fils et Isabelle Fuhrman est Esther. En particulier, Vera Farmiga et Isabelle Fuhrman donnent une excellente preuve : intense et "physique" la belle actrice qui interprète la mère Kate, réussie et inquiétante dans son ambiguïté la jeune Fuhrman, dont on entendra probablement parler à l'avenir.
Très bon aussi le département "gore", relégué seulement dans quelques scènes mais pour cela encore plus efficace. Déjà l'incipit onirique-hospitalier a un goût semi-splatter qui réussit à faire courir un frisson le long du dos, mais l'apogée est donnée par la mort crue (et cruelle) à coups de marteau qui divise en deux le deuxième acte, une scène de rare méchanceté que l'on a du mal à oublier.
"Orphan" est un excellent produit, un film de ceux que l'on va voir en pensant assister à un spectacle que l'on a déjà visionné dans son esprit mais qui se révèle finalement une surprise imprévisible. Il en faudrait plus de films capables de cela.
Conseillé !