RG
Roberto Giacomelli
•Un jeune homme en chemise blanche et cravate noire fuit, poursuivi par une femme vêtue de la même manière, qui veut le tuer. Simultanément, deux autres jeunes se donnent la chasse dans le même environnement, une zone industrielle désaffectée, et tous sont équipés de microcaméras qui surveillent leurs déplacements. Seul l'un d'eux peut survivre à cette lutte impitoyable pour avoir le droit à une place dans la société.
"InHumane Resources" s'ouvre avec une citation de George Orwell et de son célèbre "1984" : "Mais tout était en ordre maintenant, tout était définitivement réglé. La lutte était finie. Il avait triomphé de lui-même. Il aimait le Grand Frère." Ce n'est pas nouveau pour le réalisateur Michele Pastrello de faire cette déclaration d'intentions en ouverture de film, capable de donner une clé de lecture ou simplement une considération personnelle sur ce que l'on s'apprête à voir. "InHumane Resources" est en partie orwellien pour de nombreuses raisons, de l'œil vigilant du Grand Frère (les microcaméras !) qui s'étend en éventail sur plusieurs classes et strates sociales, à une vision cynique presque totalitaire de la réalité qui nous entoure. Mais "InHumane Resources" a également le mérite de relire ces thèmes en fonction de la société actuelle, de prendre un postulat d'actualité pour encadrer une situation spécifique de malaise social. Sans révéler quoi que ce soit du film, nous pouvons dire que Pastrello aborde un thème brûlant aujourd'hui et qui concerne tous les jeunes, désormais plongés dans un jeu de massacre pour s'assurer un avenir... un jeu de massacre au sens littéral du terme, qui relie ce court métrage aux dynamiques narratives de cultes du passé récent comme "La dixième victime", "Battle Royale" ou "L'implacable", où l'homme n'est qu'une pièce pour le sadique sens du divertissement ou de la sélection de quelqu'un qui a la faculté de décider... un Grand Frère, en somme.
Pastrello n'est pas facile à enfermer dans un genre spécifique et ses travaux précédents étaient toujours des mélanges fugaces entre drame et thriller, souvent avec des accents d'horreur. Avec "InHumane Resources", le réalisateur vénitien se mesure à l'action movie, mais cette fois encore, des éléments de thriller/horreur sautent aux yeux, peut-être même une touche de science-fiction qui faisait déjà son apparition oniriquement dans son précédent "Ultracorpo". Ensuite, il ne manque pas la veine sociale qui est désormais une marque de fabrique intelligente de Pastrello, comme c'était le cas également dans les excellents "32" et "Ultracorpo".
"InHumane Resources", donc, malgré ses tentatives de se démarquer des précédents travaux du réalisateur par sa signature stylistique et ses rythmes, finit par être hautement reconnaissable, faisant partie intégrante d'un discours intéressant et très personnel sur la nature de l'être humain et ses diverses directions dans le parcours de l'autodestruction.
Ce film boite un peu dans la narration des événements. En vingt minutes environ, on se concentre presque entièrement sur la lutte féroce entre les quatre personnages, c'est une course poursuite continue qui peut sembler répétitive à la longue. Pastrello veut clairement se mesurer à quelque chose de nouveau, mettre à l'épreuve la "technique", perdant pour un instant le modus narrandi qui appartient habituellement au court métrage. La belle et ultra-cynique fin fait pardonner cette sensation de tourner en rond que l'on a initialement.
Mais parlons de la technique. Oui, parce que "InHumane Resources" est fondamentalement un exercice de style, un film qui expérimente une vision totale de cinéma d'action. Le rythme frénétique et vraiment cinétique, les innombrables coupes de montage, les virtuosités de la caméra... tous des éléments qui font de ce court métrage une œuvre très complexe sur le plan technique.
Excellente la photographie plombée de Mattia Gri, exaltée par le numérique en haute définition (le film a été tourné avec un appareil photo Canon 5D) et bon l'utilisation des lieux, tirés d'une ancienne usine de chanvre dans la province de Trévise, qui dans le film semble beaucoup plus grande qu'elle ne l'est en réalité.
Très bon aussi le travail des acteurs, tous non professionnels, qui s'en sortent éminemment dans des scènes visiblement difficiles. En particulier, se distinguent les deux femmes du casting, la blonde Mariasole Michielin et surtout la brune Michela Virago, auxquelles s'ajoutent Isacco Tognon, Alessandro Serio et Marzio Dias.
En somme, nous ne sommes pas au niveau (très élevé) de "Ultracorpo", mais Pastrello réalise néanmoins un travail remarquable, capable de réunir la technique et le contenu de manière efficace et fonctionnelle.
Ajoutez une demi-courge à la note finale.
À partir du 22 mars, "InHumane Resources" sera visible en streaming gratuit pendant quelques jours sur www.sugarpulp.it et ensuite sur www.inhumaneresourcesfilm.com.