GF
Gianluca Fedele
•En 2074, tuer en toute impunité est devenu presque impossible et ainsi, la pègre utilise les voyages dans le temps pour éliminer ses rivaux, les envoyant dans le passé. En 2044, les "looper", des tueurs, attendent les malchanceux venus du futur pour les tuer, faisant ainsi disparaître les corps et permettant aux affaires des bandes mafieuses de prospérer. L'unique inconvénient pour les "looper" est que lorsqu'un "loop" est fermé, les tueurs ont trente ans pour profiter de tout l'argent accumulé, mais ensuite ils sont éliminés de la même manière, envoyés dans le passé où un tueur spécialisé doit les abattre. Un jour, le "looper" Joe se retrouve face à face avec son propre futur à tuer, mais s'il le laisse s'échapper, il doit non seulement le poursuivre, mais aussi fuir la malavita locale. Bien que le genre de la science-fiction ait toujours été fasciné par les voyages dans le temps, il y avait un certain temps qu'aucun film sur ce sujet n'avait été proposé, le dernier étant peut-être "Source Code" de Duncan Jones. Mais Rian Johnson arrive avec "Looper" pour remédier à cette absence. Le film nous présente d'abord un futur lointain, puis nous ramène à un présent lointain, où la possibilité de voyager dans le temps est une réalité. Le futur des personnes dans "Looper" est déjà écrit, déjà vécu et destiné à se répéter à l'infini dans une boucle continue dont on ne devrait jamais sortir. Commençons par préciser que "Looper" est un véritable film d'action, mais que le caractère psychologique et la réflexion qui en découlent sont sans doute plus pertinents que les inévitables et spectaculaires fusillades et poursuites. Ce que le film met en scène est une véritable réflexion sur le désir (ou la nécessité ?) de sortir des schémas prédéfinis, de contrôler sa propre existence même au détriment de celle des autres, en bouleversant les règles de la société, bien que cela ne soit pas simple. Dans ce film, le sens du temps se perd complètement, on parle de flashbacks pour certains personnages et de flashforwards pour d'autres dans un labyrinthe complexe mais fonctionnel dont il semble impossible de sortir. Le film ne ménage pas non plus les enfants, en effet, la mission du personnage interprété par Bruce Willis – qui pour sauver son propre futur (mais pas seulement) doit trouver dans le passé celui qui deviendra le boss de la criminalité dans "version" enfant et le tuer – est quelque chose que l'on voit rarement dans un film hollywoodien. Pendant le film, on suit et on soutient chaque personnage qui a une forte motivation pour agir, mais jusqu'à un certain point ; puis le concept de "ce qui est juste", de bien et de mal, se perd et un tourbillon d'émotions, de sentiments contrastés et de désorientation nous envahit jusqu'à une fin peut-être prévisible mais pas du tout forcée. Malgré cela, "Looper" n'est pas un film parfait et, bien qu'il ne manque pas d'élégance, on tombe pendant sa durée sur quelques petites chutes de style comme la fusillade à la "Die Hard" de Willis ou les démonstrations excessives (pour ne pas dire presque inutiles) de pouvoirs paranormaux qui rappellent trop les comics Marvel. Il y a aussi quelques petites choses qui ne collent pas tout à fait, comme l'assassinat gratuit de la femme orientale de Willis alors qu'on nous explique dès le début à quel point il est impossible d'éliminer quelqu'un dans le futur ou le peu construit rapport sentimental entre le protagoniste et la mère de l'enfant qu'il protège. Le casting, quant à lui, est parfait, commençant par Joseph Gordon-Levitt ("50/50", "Hesher était là") qui, depuis "Inception", apparaît dans une infinité de films presque toujours convaincants, en passant par Bruce Willis qui reprend un peu le protagoniste de "L'Armée des 12 singes" pour finir avec un excellent Paul Dano ("Un parfait gentleman") dans le rôle du premier "looper" fugitif et un Jeff Daniels ("Dumb and Dumber") dans le rôle du méchant qui évite les stéréotypes et qui inquiète et convainc grâce à son calme et à sa professionnalité. Emily Blunt ("Les Gardiens du destin") est peut-être celle qui semble un peu en dehors du reste des autres, se révélant parfois forcée mais nous offrant néanmoins une performance digne. En substance, le filon "psychologique-science-fiction" qui semble avoir pris pied récemment, où la science-fiction est plus axée sur une analyse de la société et de la psychologie humaine que sur un but purement action et "caciarone" continue avec cet excellent "Looper". Recommandé.