RG
Roberto Giacomelli
•Istanbul. Après avoir agressé un couple dans un parc, trois délinquants frappent à la porte d'un chirurgien qui vit avec sa femme Selma et son jeune fils Murad. Les trois s'installent dans l'habitation sous prétexte de chercher de l'aide pour un accident qu'ils ont eu et prennent la famille en otage en essayant d'extorquer de l'argent. La situation s'envenime rapidement et bien que le maître de maison accepte de payer, les trois continuent de molester sa femme et son fils.
Les distributeurs italiens sont géniaux ! En 1971 sort "Orange mécanique", un grand succès international de Stanley Kubrick, et en 1975, ils distribuent en Italie sous le titre "La bande de l'Orange mécanique" le film turc "Cirkin dunya", qui en réalité devrait s'appeler "monde mauvais". Opération incorrecte, direz-vous, puisque le film en question n'a rien à voir avec le chef-d'œuvre de Kubrick, mais parfaite opération de marketing, dis-je, puisque les distributeurs ont saisi un aspect du film et l'ont justement gonflé/exagéré à leur avantage. Si nous faisons des comparaisons, nous noterons qu'"Orange mécanique" avait une longue scène où Alex et ses drughs faisaient irruption dans une habitation et commettaient des massacres... mais il s'agit d'une scène ! Le film allait ensuite dans une tout autre direction. "La bande de l'Orange mécanique", en revanche, saisit ce moment et le dilate sur environ 80 minutes, se présentant ainsi comme un film d'un tout autre genre, ainsi que d'une toute autre profondeur.
Nous pourrions dire que "La bande de l'Orange mécanique" est l'un des premiers exemples de film d'invasion domestique décliné dans l'optique du film B, presque un film fondateur, donc, qui pose les bases de ce qui sera ensuite "La maison perdue dans le parc", "Funny Games" et tout ce qui en découle. Il faut dire, cependant, que "La bande de l'Orange mécanique" est un film assez modeste, avec quelques intuitions de grande efficacité atténuées par d'autres franchement évitables. D'une part, il est remarquable de la méchanceté de fond qui anime la mécanique du film, d'autre part, il est surprenant de la trop parcimonieuse galerie des horreurs à laquelle "La bande de l'Orange mécanique" soumet le spectateur. Le réalisateur Osman F. Seden (ou Rowland Kramer, comme son pseudonyme anglophone) montre une certaine complaisance typique des films des années 1970 à mettre en images les barbaries du trio de délinquants, surtout en ce qui concerne les gifles à main ouverte infligées à Stefania Basile, qui joue la femme du chirurgien, et les mauvais traitements variés au enfant, incroyablement transformé en punchball vivant ! Pourtant, malgré tant de violence semi-implicite, le film est timidissime dans le fait de montrer des scènes choc, pratiquement pas une goutte de sang ne coule et à contre-courant de la mode de l'époque, les scènes de sexe et de nudité féminine sont complètement exclues.
Très convaincante la performance de certains acteurs principaux, surtout de la déjà citée Stefania Basile et du leader des méchants, Savas Basar alias Le Scorpion. Peu crédible, cependant, la caractérisation des deux délinquants qui accompagnent le Scorpion, trop caricaturales dans leur hystérie et dans le comportement infantile inutilement accentué.
Il faudrait consacrer un mot au sujet de la fin du film. Sans spoiler, on peut dire que si "La bande de l'Orange mécanique" s'était terminé quelques secondes plus tôt, ce serait un joyau de cynisme et aurait eu une clé interprétative tout à fait différente, mais ils ont décidé d'ajouter une scène "de trop" qui adoucit – si l'on peut dire – l'impact d'une fin autrement trop amère.
"La bande de l'Orange mécanique" est donc un film d'invasion domestique discret qui porte peut-être trop longtemps la situation porteuse de l'histoire. Certaines "méchancetés" laissent vraiment une marque, mais on a l'impression qu'un mécanisme d'autocensure immotivé a été appliqué sur certains choix narratifs qui tend à atténuer l'impact sur le spectateur.
En DVD chez Mosaico Video.
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