RG
Roberto Giacomelli
•Le détective Philip Jackson, spécialisé dans la recherche de criminels opérant sur Internet et de sites illégaux, tombe sur un site de voyeurisme extrême où sont exposées des photos de femmes obèses. Jackson commence ainsi à enquêter sur le monde des "feeders", une catégorie de passionnés du "gras" qui échangent des photos et des commentaires sur des femmes qui se font volontairement nourrir jusqu'à l'excès. Le détective découvre alors un site particulier, dont le gestionnaire ouvre des paris sur la capacité de "soutenir" l'alimentation des corps des femmes qu'il nourrit; évidemment, la capacité de soutien coïncide avec la mort des femmes. Malgré de nombreuses difficultés et un engagement morbide, Jackson tente de retracer le tueur feeder et de l'arrêter.
Jusqu'où le corps humain peut-il supporter et être violé? Et jusqu'où le regard humain peut-il s'attarder sur la mise en scène du dégoût et de la perversion? Probablement, ce sont deux des questions auxquelles le réalisateur Brett Leonard a voulu trouver une réponse et "Feed" en est le résultat.
Daté de 2005 et distribué en Italie en un nombre limité de copies seulement pendant l'été 2007, "Feed" se présente comme un thriller à la structure classique, qui met en scène une chasse au tueur menée par un gardien de la loi. Si le squelette peut être considéré comme classique, le matériel traité et la mise en scène ne le sont absolument pas, et l'intention principale du réalisateur semble être la recherche du choc visuel et émotionnel, ainsi qu'un certain plaisir pour l'excès.
Le thème de la perversion sexuelle et du voyeurisme extrême sont traités avec originalité et compétence, accordant également une petite parenthèse à la critique sociale et à la construction psychologique appropriée des personnages. Le sous-sol de la perversion qui se cache sur le web est ici dédié au phénomène du "feederism", une pratique sadomasochiste extrême dans laquelle le "maître" est appelé "feeder" et a pour tâche de nourrir jusqu'à la transformation physique complète un "esclave", ici appelé "gainer". Entre le feeder et le gainer, un rapport de dépendance et de satisfaction psychique et sexuelle mutuelles s'instaure, qui, dans le cas raconté par Leonard, se termine par la mort du gainer. Celui analysé dans "Feed" est naturellement un épisode extrême qui débouche sur le meurtre, mais on peut néanmoins noter de la part de la victime un plaisir malsain et une complète soumission à la situation, faisant souffrir le spectateur et le faisant éprouver de l'empathie envers la femme-végétale, mais en même temps s'en détacher émotionnellement.
La figure du feeder, interprétée par un bon Alex O'Loughlin ("Man-Thing"; "Invisible"), également auteur du sujet, est dessinée avec un sens explicite de la spectacularisation: le spectateur est morbidement attiré par la figure ambiguë du feeder et le scénariste (Kieran Galvin) le sait, dotant le Michael Carter de O'Loughlin d'une personnalité fortement charismatique, avec une double vie et un passé traumatique. Le policier chasseur, interprété par un non très convaincant Patrick Thompson ("Man-Thing"), également auteur du sujet, a été doté d'une personnalité tout aussi ambiguë: impliqué de manière morbide par l'affaire sur laquelle il travaille, le détective Jackson se révèle être une personne violente et aux habitudes sexuelles anormales, ne se distinguant pas trop de Carter. En fait, la relation entre Carter et Deidre, sa gainer, est décrite comme plus amoureuse et "délicate" en comparaison avec la relation sadique que Jackson entretient avec sa femme. Les deux femmes-victimes sont également profondément différentes, car Deidre (Gabby Millgate) est fidèle (elle ne pourrait pas l'être autrement!) et complètement dévouée à son homme, lui faisant tellement confiance qu'elle se laisse tuer; Abbey (Rose Ashton), la femme de Jackson, est au contraire froide, apathique, malheureuse et infidèle, et fière de ses habitudes sexuelles qui impliquent des rapports promiscuits et violents. Leonard, en somme, s'amuse à mélanger les cartes, tant que la frontière qui sépare le bien du mal est décidément labile.
On peut lire dans "Feed" une critique à peine voilée du consumérisme, car le "consumption is evolution" affiché, inséré dans un contexte où consommer (de la nourriture) équivaut à se transformer en une masse de chair flasque et presque informe, contrainte de vivre au milieu de ses excréments et destinée à un collapsus cardiaque, ne peut qu'assumer des connotations sarcastiques ainsi que critiques envers une société qui fait du consumérisme des aliments hypercaloriques une véritable routine.
L'Australien Leonard s'est taillé un petit espace dans le cinéma fanta-horreur, réalisant de bons films de genre au succès alterné (parmi les plus célèbres "Le Tondeuse"; "Prémonitions"; "Man-Thing"), mais probablement réalise son film le plus réussi justement avec ce "Feed", un thriller anormal qui sait se faire détester à cause d'une série de scènes décidément "lourdes" qui misent tout sur le dégoût le plus explicite, fait de liposuctions, de cannibalisme, de vomi, de fèces et de sexe déviant. Nous ne sommes pas face à un film imperdable, au contraire on peut noter un scénario fluctuant et une réalisation qui, pour causer le choc, arrive même à tomber dans le grotesque et le écœurant, mais l'originalité et le goût pour l'excès font quand même de "Feed" un film à voir au moins une fois.
Interdit aux moins de 18 ans.