RG
Roberto Giacomelli
•Dorian Gray est un jeune homme beau et réussi qui vit à Londres et fréquente les cercles d'artistes et d'industriels fortunés. Un jour, Dorian décide de se faire portraiturer dans un tableau par son ami Basil et reste fasciné par son image dans le tableau, en arrivant à souhaiter que sa beauté reste toujours la même, peut-être au détriment de son portrait. Et c'est ce qui se passe : tout le monde autour de Dorian vieillit et décline tandis que lui reste toujours le même, les signes de la vieillesse se répercutant sur le portrait que l'homme conserve jalousement dans sa maison.
Des années 1970 fantasques, courageuses et multigenres arrive une version italienne de "Le Portrait de Dorian Gray", un film insolite et bien conçu qui aborde, en l'adaptant aux temps modernes, le célèbre roman d'Oscar Wilde.
À la tête de cette libre transposition/actualisation, nous trouvons Massimo Dallamano, un réalisateur éclectique de genres cher aussi au public horreur pour des bijoux comme "Qu'est-ce que vous avez fait à Solange?" et "Le Médaillon ensanglanté", qui parvient à gérer le "inconfortable" matériel avec professionnalisme et efficacité exploitative. "Le Portrait de Dorian Gray" est sans doute une œuvre difficile à transposer, tant pour les contenus typiquement littéraires et peu adaptés à la narration cinématographique, que pour le passage dangereux du relais : d'un classique littéraire d'utilisation scolaire à un matériel cinématographique de cinémathèque d'essai (le film primé aux Oscars réalisé en 1945 par Albert Lewin), jusqu'à irruption effrontée dans le paysage plus authentiquement de "genre" de notre cinéma. Mais le film de Dallamano est un objet étrange et ambigu comme son protagoniste ; il appartient sans aucun doute à ce que certains appellent "cinéma bis", utilisant des visages et un goût pour l'excès typiques du cinéma de cette époque et de ce type, mais il reste définitivement éloigné du goût exploitatif tout court, de la facile clin d'œil à l'observateur avide de "interdit" qui, alors comme aujourd'hui, ne dédaignait pas la compagnie en celluloïde de sang, de violence et de corps nus.
"Le Dieu appelé Dorian" parvient à trouver un juste compromis entre les deux faces cinématographiques de la même médaille, mises en jeu de manière répétée dans les seventies italiens. Il y a l'âme exploitative, mais il y a aussi une noblesse explicite des intentions et du matériel traité qui pouvait assurer l'agrément même de la part de ceux qui ne digéraient pas le sang et les nus en général. Malgré, en effet, une concession considérable à l'érotisme, assez audacieuse pour l'époque, surtout si l'on pense à la manière explicite dont sont montrés les rapports homosexuels (tant entre femmes qu'entre hommes), et malgré un clin d'œil au thriller (la magnifique subjectivité de l'assassin initial), "Le Dieu appelé Dorian" est toujours la transposition de "Le Portrait de Dorian Gray", respectueuse bien que non dépourvue de liberté créative, et magnifiquement mise en scène par une cure artistique et technique de film grand public.
La réalisation de Dallamano est attentive et élégante comme d'habitude pour le réalisateur, valorisée par une belle photographie, soignée par Otello Spila, qui privilégie l'accentuation de couleurs saturées et vives, voulant souligner l'atmosphère psychédélique de la swinging London. Dans le rôle du protagoniste, nous trouvons Helmut Berger, acteur autrichien lancé par Visconti dans "La Chute des Dieux" et devenu ensuite symbole d'un certain cinéma italien de genre des années 1970 (nous nous souvenons de "Le Papillon aux ailes ensanglantées" et "La Bête au mitrailleur") jusqu'à apparaître dans "Le Parrain partie III" de Coppola. Berger est un praticien parfait pour le rôle, le Dorian Gray que quiconque s'imaginerait, ambigu et fascinant comme dans la description wildeienne.
La scène est complétée par les belles musiques de Peppino De Luca et Carlos Pes.
En revanche, "Le Dieu appelé Dorian" a un rythme pas trop captivant, confié plus aux images qu'aux développements narratifs, des développements qui, cependant, ne représentent aucune surprise pour le spectateur étant donné la notoriété de l'histoire.
Il s'agit néanmoins d'un film de valeur qui vaut la peine d'être récupéré et regardé au moins une fois dans sa vie.