RG
Roberto Giacomelli
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"Il plenilunio delle vergini"
Franz Schiller est fasciné par le mythique anneau des Nibelungen, un joyau qui confère à son possesseur des pouvoirs incroyables. Aidé dans sa quête par son frère jumeau scientifique Karl, Franz découvre que l'anneau se trouve en Transylvanie, entre les mains de la comtesse De Vries, qui réside dans ce qui fut autrefois le château de Vald Tepes, alias Dracula. Sur place, Franz se heurte à l'hostilité des habitants et apprend que, dans quelques jours, aura lieu la pleine lune des vierges, une célébration qui survient tous les cinquante ans, durant laquelle la lune devient rouge et cinq vierges disparaissent du village. Lorsqu'il arrive au château de la comtesse, Franz découvre que la femme est directement liée à la disparition des vierges et que le château est peuplé de vampires.
"Il plenilunio delle vergini" peut être considéré comme l'un des grands "sous-estimés" du cinéma de genre italien... oui, sous-estimé, car à l'époque il fut violemment critiqué comme beaucoup de films similaires, à la différence que l'œuvre de Batzella n'a pas bénéficié d'une réévaluation ultérieure comme nombre de ses contemporains. Pourtant, "Il plenilunio delle vergini" est un objet fascinant, naïf comme tant d'horreurs que certains qualifieraient de datées, mais riche en atmosphère et en cette audace qui n'existe plus aujourd'hui.
Avant tout, on peut tranquillement considérer "Il plenilunio delle vergini" comme la meilleure œuvre de Batzella, qui signait ici sous le nom de Paolo Solavay, un réalisateur peu réputé et principalement connu aujourd'hui pour l'un des films nazi-porno les plus délirants de notre cinéma, à savoir "La bestia in calore". Il paraît que, pour l'occasion, Batzella/Solvay fut "aidé" par Aristide Massaccesi, crédité comme directeur de la photographie, mais ceux qui ont travaillé sur le film affirment qu'il fit bien plus. Autour de "Il plenilunio delle vergini" gravitent de nombreuses histoires transversales qui en font une œuvre fascinante aussi sur le plan de la production. Il semble que le film ait été ardemment voulu par Mark Damon, l'acteur de "I tre volti della paura", qui ici interprète le double rôle du protagoniste et de son frère. Damon tenait beaucoup à ce film, auquel il avait contribué au scénario et qu'il imposa à un distributeur américain ayant préacheté les droits pour les États-Unis ; on raconte même que Damon lui-même, sous pseudonyme, aurait acheté les préventes du film en Amérique pour en garantir la production... En somme, "Il plenilunio delle vergini" appartient peut-être plus à l'acteur qu'à ses producteurs italiens. En réalité, Damon est assez médiocre, du point de vue du jeu, peu à l'aise à l'écran et dépourvu du charisme nécessaire à son double rôle (pour lequel il était doublé par Sergio Pislar). À soutenir le film, on retrouve Rosalba Neri, magnifique visage (et corps) de nombreux westerns et films décamérotiques de l'époque. Neri incarne la maléfique comtesse De Vries, un personnage explicitement inspiré de la figure historique d'Erzsebet Bathory, la fameuse Comtesse Sanglante qui se baignait dans le sang pour rester jeune ; en effet, dans l'une des scènes les plus marquantes de "Il plenilunio delle vergini", Neri est recouverte de sang humain par sa servante/amante (Esmeralda Barros) et émerge nue et ensanglantée de la baignoire, enveloppée de fumée.
"Il plenilunio delle vergini" vit davantage de ses séquences individuelles que d'une cohérence globale, l'histoire étant en soi assez mince et calquée sur la trame classique de Dracula, avec pour seule nouveauté l'anneau des Nibelungen, qui, en termes d'inventivité, ne va pas bien loin. Ce sont les détails qui font la différence : le bain de sang déjà cité, les scènes érotiques assez explicites et très bien réalisées, le mouvement étrange de la comtesse, la longue scène finale du sacrifice des vierges. Des moments que l'on regarde aujourd'hui avec nostalgie et regret.
À bien des égards, de l'atmosphère générale à l'utilisation massive de la violence et de l'érotisme en passant par la présence de vampires, "Il plenilunio delle vergini" évoque certains films contemporains de la Hammer, eux aussi portés sur l'exploitation mais avec une certaine classe.
À redécouvrir et à réévaluer.
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